Absences

Les Absences sont des créations sonores menées depuis 2012 par l’artiste Pierre-Laurent Cassière, co-fondateur de Jeanne Barret.

C’est un travail sur la mémoire et plus particulièrement sur la mémoire des lieux et des édifices. Les Crottes est un quartier en devenir, il fait partie du plan de réaménagement urbain Euromed 2. Son histoire est très peu connue et la vie quotidienne de ces habitants aussi. Au gré de ces visites, l’artiste rencontre les personnes âgées qui évoquent leurs souvenirs et témoignent de la vie quotidienne passée et actuelle des Crottes.

En partageant ces souvenirs de manière interactive au sein même des Crottes (et ailleurs), l’artiste, au-delà de créer des moments «intimes» d’écoute de ces riches histoires, nous propose des installations sonores qui nous permettent de retrouver un temps perdu.

Les Absences sont des récits partagés. Des récits personnels, parfois intimes. Des souvenirs, des anecdotes liées au lieu. Ces pièces sonores accueillent des mots spontanés, capturés à vif à l’instant où la mémoire travaille, cherche. Au moment où le souvenir apparaît, au moment où le détail revient. Les Absences restent fragiles et mettent en partage des histoires individuelles. L’approche n’est donc pas celle de l’enquête sociale, urbanistique ou anthropologique. Le travail n’applique pas la méthode scientifique, et ne vise ni l’Histoire ni le devoir de Mémoire. C’est simplement l’envie de rencontre, d’écoute, de mise en partage des voix et des souvenirs qui motive la démarche des Absences. Sans construire un argumentaire pour ou contre l’évolution urbaine et les stratégies publiques, ces œuvres proposent des expériences sensibles, des temps d’attention. Grâce à un dispositif médiatique spécifique, elles font exister, ici et ailleurs, des souvenirs, des instants de vie discrets.

Toutes les enregistrements sont réalisés en binaural*, sans tête artificielle. Autrement dit le preneur de son (en l’occurrence l’auteur) enregistre l’environnement sonore et les voix avec un microphone miniature placé dans chacune de ses oreilles. Au delà d’un « hyper-réalisme spatial », cette technique évite la position habituelle d’un microphone placé comme un obstacle dans l’échange entre le preneur de son et l’orat.eur.rice. Ici les micros se font oublier, la situation d’enregistrement est plus naturelle, l’échange plus serein. Chaque pièce terminée dure entre 15 et 25 minutes et semble avoir été enregistrée en une seule prise. Il s’agit en fait systématiquement d’un montage en studio à partir de passages extraits de plusieurs heures d’enregistrement.

Dans un mouvement inverse à la voix radiophonique de studio, généralement centrée, neutralisée, parfois désincarnée, les Absences mettent en œuvre des voix placées, contextualisées et rapprochées. Les pièces sont destinées à une écoute au casque. Au delà du réalisme de la situation sonore, le protocole de prise de son et la technique utilisée créent alors de véritables illusions acoustiques dans lesquelles les auditeur·ices confondent les sons réels autour d’eux et les sons enregistrés. Les témoins deviennent alors des fantômes, qui s’adressent à eux·elles, là, juste à côté. Les hésitations, les respirations, les mouvements... chaque détail est perceptible. Les corps semblent présents. Et une tension, une intensité émotionnelle étrange s’installe avec cet·te inconnu·e absent·e.

* L’enregistrement sonore binaural est réalisé avec deux microphones placés sur une tête artificielle ou dans chaque oreille du preneur de son. Lorsque l’enregistrement est réécouté au casque stéréophonique chacun des deux écouteurs restitue seulement l’enregistrement correspondant à son oreille (gauche/droite) et restitue la perception stéréophonique naturelle avec un réalisme spatial troublant.

Les absences are sound creations led since 2012 by artist Pierre-Laurent Cassière, co-founder of Jeanne Barret.

It's a work on memory, and more specifically on the memory of places and buildings. Les Crottes is a neighborhood in the making, part of the Euromed 2 urban redevelopment plan. Its history is little-known, and so is the daily life of its inhabitants. During these visits, the artist meets the elderly, who share their memories and testify to the daily life of Les Crottes, past and present.

By sharing these memories interactively within Les Crottes (and elsewhere), the artist not only creates "intimate" moments of listening to these rich stories, but also offers us sound installations that allow us to rediscover a lost time.

Absences are shared stories. Personal, sometimes intimate stories. Memories, anecdotes linked to place. These sound pieces welcome spontaneous words, captured at the very moment when memory is working, searching. The moment the memory appears, the moment the detail returns. Absences remain fragile, sharing individual stories. The approach is not that of a social, urbanistic or anthropological survey. The work does not apply the scientific method, and aims neither at History nor the duty of Remembrance. It is simply the desire to meet, to listen, to share voices and memories that motivates the Absences approach. Without constructing an argument for or against urban development and public strategies, these works propose sensitive experiences, moments of attention. Thanks to a specific media device, they bring to life, here and elsewhere, memories and discrete moments of life.

All recordings are made in binaural*, without artificial heads. In other words, the sound recordist (in this case, the author) records the sound environment and voices with a miniature microphone placed in each of his ears. In addition to "spatial hyper-realism", this technique avoids the usual position of a microphone placed as an obstacle in the exchange between the sound recordist and the speaker. Here, the microphones are forgotten, the recording situation is more natural and the exchange more serene. Each finished piece lasts between 15 and 25 minutes and seems to have been recorded in a single take. In fact, they are systematically edited in the studio from passages taken from several hours of recording.

In a reversal of the studio radio voice, which is generally centered, neutralized and sometimes disembodied, Absences uses voices that are placed, contextualized and brought closer together. The pieces are intended for headphone listening. Beyond the realism of the sound situation, the recording protocol and technique used create genuine acoustic illusions in which listeners confuse the real sounds around them with the recorded sounds. Witnesses become ghosts, speaking to themselves, right there, right next door. Hesitations, breaths, movements... every detail is perceptible. The bodies seem present. And a tension, a strange emotional intensity is created with this absent stranger.

*Binaural sound recording is achieved with two microphones placed on an artificial head or in each of the sound recordist's ears. When the recording is played back through stereophonic headphones, each of the two earpieces reproduces only the recording corresponding to its own ear (left/right), restoring natural stereophonic perception with uncanny spatial realism.

Absences (le pêcheur), Balades Sonores, Radio Campus Besançon, 2020 ©ADAGP/Cassière

Absences (Mohammed), Maison de quartier Jeanne Pistoun, Martigues, 2018 ©ADAGP/Cassière (photographie page l’accueil)