NINNA NANNA par Transhumanza
Projet lauréat de l’appel Faire Village 2025, choisi·es parmi 66 projets par des habitantes des Crottes
Ninna nanna explore le lien entre la langue, la mémoire et l’identité à travers les chants de berceuses - en co-création avec des habitantes des Crottes - à travers une série d’ateliers entre février et mars 2025 et dont le résultat est une installation sonore. La restitution a eu lieu le 3 avril à partir de 16h30 & le 4 et 5 avril entre 16h et 20h.
Ninna Nanna, Collectif Transhumanza, 140 x 200 x 200 cm, 11’’48
Conception et réalisation technique : Ambra Iride Sechi, Matteo Orani, Dario Sanna
Dessins : Ambra Iride Sechi, Matteo Orani
Prises de son et mixage : Dario Sanna
Avec la participation de : Dyhia Amir, Fariza Akroun, Lydia Hani, Lynda Issouli, Lynda Mennas, Lila Ait Bekka.
Les berceuses, comme les chants populaires, sont des biens culturels immatériels. Elles participent à la construction de l’identité individuelle et collective, tissant des liens profonds, dépassant les différences générationnelles, les frontières géographiques ou physiques. Elles chantent la vie, l’amour, le travail, la richesse et la pauvreté, les joies et les épreuves.
Biens communs voyageant à travers le temps et l’espace, leur destination reste incertaine : conservées dans la mémoire jusqu’à s’effacer, réinterprétées ou transmises par la relation entre enfants et adultes.
La berceuse est un objet chargé de sens pour qui la chante comme pour qui la reçoit. Un acte de partage profond, bien plus que personnel, capable d’apaiser et d’accompagner vers le sommeil.
Ninna Nanna explore le lien entre langue, mémoire et identité à travers ces chants.
Les participantes ont travaillé sur Ssendu, une chanson en amazigh composée par le chanteur berbère Idir en 1974.
Ssendu, Ssendu tefkeḍ-d udi d amellal / Baratte ! Baratte ! donne-nous du beurre blanc
Ssendu, Ssendu akken ad neččaṛ abuqal / Baratte ! Baratte ! pour que l’on remplisse le jarre
Akken ad neččaṛ abuqal / Baratte-toi, baratte-toi petit lait
Ndu ndu ay iɣi fked-d tawaract n w-udi Akken id-ţ neţmenni / Donne-nous la motte de beurre espérée
Ndu ndu ay iɣi fked-d tawaract n w-udi Akken id-ţ neţmenni / Donne-nous la motte de beurre espérée
Bien que n’étant pas une berceuse à l’origine, sa popularité lui a conféré cette fonction.
Le texte évoque la transformation du lait en beurre, geste quotidien où se mêlent simplicité et labeur, symbolisant l’aspiration au bien-être à travers un aliment essentiel.
La composition mêle les voix des participantes à des enregistrements réalisés dans le quartier.
Les rythmes d’un lieu en pleine mutation rapide et intense se superposent à l’intimité d’une berceuse pour investir l’espace public. À l’inverse du quotidien, où le monde extérieur envahit souvent le domicile, perturbant sa quiétude.
Ula ma laẓ yeţwassen lḥif izzuzn-it ccna / On connaît la faim mais le chant adoucit la misère
Comme dans un rituel, le geste se répète jusqu’à ce que l’enfant s’endorme, et que le calme du soir gagne la maison.
Au centre de la scène, une chaîne cinétique d’éléments perceptifs (sons, lumières, formes) crée un environnement onirique.
La répétition et la superposition de ces éléments donnent forme à des tensions entre intérieur et extérieur, plein et vide, lumière et ombre, jeu et fatigue, intime et collectif.
Il ne s’agit pas de devoir répondre à ces tensions, mais plutôt d’explorer les possibilités narratives.
Ce projet est né d’une démarche collaborative, tissée au fil des échanges avec les femmes qui ont participé,et qui aboutit à l’œuvre que nous vous présentons aujourd’hui.
Ninna Nanna est la première empreinte de notre passage dans des univers qui méritent d’être découverts.
Photos ci-dessous ©Transhumanza